lundi 17 septembre 2007

Fatalité et résignation


La fatalité, c’est quelque chose d’inéluctable. La résignation, c’est une attitude devant les évènements de la vie, une attitude de soumission.

Par exemple, tentons un petit jeu de rôle.

Vous êtes le maire de Montréal et vous avez un syndicat de fonctionnaires «col blanc» devant vous. Il y a de quoi avoir peur de cette force potentielle : entre 7 000 et 9 000 travailleuses et travailleurs qui peuvent bloquer toute l’administration municipale (la perception des taxes, les finances, l’administration de la Cour municipale, l’inspection des bâtiments, Accès-Montréal, le 9-1-1, la gestion des sports, des loisirs et de la culture, le stationnement, etc.). Même l’émission de votre chèque de paye de maire deviendrait problématique. Cela pourrait être catastrophique… Alors vous vous dites : "je vais négocier en tentant de sauver les meubles".

Puis, vous vous penchez sur l’histoire de ce syndicat «col blanc». Vous vous rendez compte qu’en plus de 25 ans, lors des négociations, ce syndicat n’a pratiquement jamais fait de moyens de pression et ne compte aucune journée de grève. Vous savez aussi (parce que vous le savez…) que lors de leurs assemblées générales, il ne rassemble qu’environ 2 % des membres : aucune mobilisation.

Alors, comme on dit au hockey, vous venez de grandir de deux pieds et, gentleman, vous offrez une augmentation salariale de… 0 %! Et vous vous dites que ces fonctionnaires devraient se compter chanceux que vous ne diminuiez pas leurs salaires.

Il y a un dicton au baseball qui soutient que «good guys never win»! (Les bons gars ne gagnent jamais)

Maintenant, disons que vous êtes un maire d’arrondissement. Vous voulez vous bâtir un fief à toute épreuve et régner en roi et maître. Mais il y a ce syndicat… Vous aussi, vous savez que ce syndicat n’est pas, pour utiliser un euphémisme, très militant. Alors, vous faites un premier test.

Même si la loi dit que le seul pouvoir que vous avez, en tant qu’arrondissement, est celui de négocier (pas d’imposer!), vous imposez quand même, sans avertir le syndicat, une petite augmentation d’heures d’ouverture publique dans les bibliothèques. Personne ne bronche. Bien sûr, le syndicat aurait pu tenter de négocier ne serait-ce qu’une augmentation du nombre de permanents, mais il ne fait rien. En tant que maire, vous vous dites que ça confirme que vous avez tous les pouvoirs. Alors pourquoi pas une deuxième augmentation unilatérale d’heures d’ouverture publique,puis une troisième et une quatrième… Vous le faites et… personne ne bronche. Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes même si le nombre d’heures de travail fait par les auxiliaires est passé d’environ 45 % à environ 60 %!

Alors, vous décidez que la Banque réseau nuit à l’exercice de votre pouvoir puisqu’elle permet une certaine liberté à «vos» travailleuses et travailleurs : ils peuvent aller voir ailleurs et même – oh horreur! – changer de port d’attache. En bon «freak control», vous voulez faire sauter la Banque réseau. Cependant, dans un geste de grande mansuétude, vous convoquez le syndicat pour négocier. Il se rebelle un peu et, à votre grande surprise… le syndicat signe un texte que vous avez vous-même écrit et qui vous donne une juridiction d’arrondissement sur les auxiliaires. Ces derniers sont maintenant pris dans un tout petit enclos et ne pourront, dans la pratique, presque pas en sortir. Ils sont piégés et dépendants de vous.

En tant que dirigeant de l’arrondissement, vous vous dites pourquoi s’arrêter en si bon chemin? Comme un enfant, vous voulez connaître les limites… vous voulez surtout savoir s’il y a des limites. Ainsi, vous commencez à faire des remplacements en déplaçant, la journée même, des auxiliaires d’une bibliothèque à l’autre de votre arrondissement. Personne ne bronche, tout va bien. Vous décidez de pousser un peu plus : vous refusez un congé selon la loi 128 demandé un mois d’avance sous prétexte que vous ne pourrez pas remplacer le travailleur (même si vous avez obtenu la gestion d’une «banque réseau d’arrondissement», même si vous déplacez les gens d’une bibliothèque à l’autre, même si il reste un mois pour combler le congé, etc.). Personne ne bronche, tout va plus que bien.

«Good guys never win!»

Et les syndiquéEs auxiliaires, dans tout ça? Malgré certaines augmentations de salaire, ils ont perdu énormément de pouvoir d’achat ces dernières années, ils s’appauvrissent. Leur charge de travail augmente sans cesse. Ils deviennent de plus en plus des travailleurs spécialisés utilisant une technologie en évolution et assume de plus en plus de responsabilités sans compensation ni reconnaissance. Ils utilisent une deuxième langue sans prime (tous les fonctionnaires bilingues de tous les gouvernements ont une prime au bilinguisme). Ils se font refuser des congés auxquels ils ont droit. Ils vont devenir membres d’équipes volantes. Ils travaillent soirs et fins de semaine sans compensation. Celles et ceux qui travaillent 5 jours / semaine n’ont que très rarement la chance d’avoir deux jours de congé consécutifs (sauf dans le cas de postes corpo), etc. Et, la cerise sur le gâteau, ils ne voient pas la possibilité, avant de très nombreuses années, de devenir permanents.

Pourtant la Ville et les arrondissements ont de l’argent et même beaucoup. Les éluEs se votent des augmentations de salaire (20% dans certains cas), ils aménagent des bureaux d’arrondissement au coût de 20 millions, ils engagent des cadres à tel point qu’il devient difficile de les compter et de savoir qui est responsable de quoi…

Et les syndiquéEs auxiliaires, dans tout ça? Ils grognent bien un peu dans leur coin, surtout quand ils sont seuls derrière une étagère, mais ils ne vont pas plus loin et ils continuent de travailler avec le sourire. Cette attitude permet à nos patrons de penser que le syndicat n’est qu’une addition d’individus serviles qui ne sont pas solidaires. Quant aux dirigeants du syndicat, ils sont en mesure de penser la même chose puisque lorsque, par exemple, ils signent une lettre d’entente qui va à l’encontre des intérêts et de la volonté unanime des syndiqués (pourquoi d’ailleurs ont-ils fait ça???), personne ne bronche et personne ne vient les remettre à leur place, c’est-à-dire leur rappeler qu’ils devraient agir comme des porte-parole des syndiquéEs et non pas comme un deuxième patron.

Il y aurait amplement de quoi monter aux barricades! Mais ce qu’il faut retenir, c’est que ce qui se passe ne découle pas d’une fatalité mais d’un laisser-faire.

Sommes-nous résignés?

Dans ce syndicat, comme dans tous les syndicats, le pouvoir appartient aux membres, quoique certains voudraient faire croire le contraire. Évidemment, si les membres n’utilisent pas leur pouvoir, ce pouvoir s’atrophie, comme tous les organes qui ne sont pas utilisés, il s’atrophie jusqu’à disparaître. Et ce qui se passe devient ce qu’on s’imagine être une fatalité pour laquelle on doit se résigner. Quand on laisse aux autres le pouvoir sur nos conditions de travail et de vie, il ne sert à rien de grogner dans son coin : cela n’aura aucun impact.

Que diriez-vous de se tenir debout ensemble plutôt que d’être individuellement résignés et à genoux?

Comme disait Garfield : «Vieillir est une fatalité, grandir est un choix.»

3 commentaires:

  1. Monter aux barricades? Il était où le canard boiteux lorsque nous manifestions l'hiver dernier?

    C'est n'importe quoi ton blog!...

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  2. Il était avec toi, si tu y étais, avec une pancarte à la main...

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  3. wow une pancarte à la main?... Le canard ché!... Je capote!... Pourtant t'es pas sur la photo mon canneton!

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