J'ai un ex-collègue qui étudiait en agronomie alors qu'il était aide-bibliothécaire auxiliaire. Pour ajouter quelques pécunes à son minable salaire, il avait inventé un petit jeu pour ses amis. Il divisait un champs en un damier du style tapis de roulette et y lâchait une vache. Les joueurs misaient sur une case et, selon l'endroit où le ruminant daignait laisser tomber sa bouse, gagnaient un lot ou perdaient leur mise. La croupe du bovin se transformait en croupière et le résultat de sa digestion était attendu avec un mélange d'espoir et d'inquiétude.
La vache est une créature éminemment sensible. Quiconque a déjà suivi un sentier de vache sait aussi qu'elle est doué d'un instinct très sûr pour trouver le meilleur chemin. Son amour de ses semblables s'exprime dans son caractère grégaire. Mais ces hautes qualités morales n'influencent en rien le caractère aléatoire de l'endroit où tombera la bouse. Les variables en causes n'ont rien à voir avec l'intelligence, le sens commun, l'empathie ou la morale sociale.
Mon ex-collègue (et ami) a créé en inventant cette roulette intestinale, une intéressante allégorie du mode décisionnel de notre univers schizophréno-municipal. Ainsi nous voici, attendant avec angoisse la prochaine décision qui, par gravité, nous tombera du ciel. Son caractère bénin ou malin relèvera de facteurs aussi imprévisibles que la gloutonnerie, la vanité et le capital politique à court terme.
« Une vache adulte produit en moyenne 12 bouses
par jour (environ
Wikipédia
Si l'on pousse la comparaison, il y a cependant des différences notables. La bouse enrichit toujours le champ où elle tombe, alors que l'histoire a mainte fois montré que l'action de nos croupiers municipaux amène rarement des progrès. La vache broute l'herbe, mais donne du lait; retour sur l'investissement que ne rend pas souvent la caste endémique des décideurs métropolitains.
Dans le grand bouse-o-thon bureaucratique où se jouent notre qualité de vie et celle des services aux citoyens, on se prend à rêver que le bonheur est peut-être bien dans le pré...
K.
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