Georges Vanier : revenir à la case départ!

Faut-il vraiment se surprendre de la réaction des gens? Les politiques, eux, ont compris depuis longtemps : ils annoncent une catastrophe, les gens se rebiffent, les gens oublient le point de départ et ils sont contents, au bout du compte, de n’avoir qu’une demie – catastrophe (ce qui, pour eux, est une victoire puisque que leur point de départ est la catastrophe). Les gens oublient le réel point de départ, c’est-à-dire ce qui existait avant l’annonce de la catastrophe!

Les politiques annoncent la fermeture de la section adulte de la bibliothèque Georges-Vanier. Revenons au point de départ!

Au départ, on devrait se demander le pourquoi de cette fermeture. Il me semble qu’il ne peut y avoir que deux motifs économiques : soit l’arrondissement est en faillite, soit le service est de beaucoup trop élevé par rapport aux normes reconnues (autrement dit, trop de livres, trop de surface de plancher, trop de travailleuses et de travailleurs en comparaison aux normes reconnues).

Est-ce que l’arrondissement du Sud-Ouest est en faillite?

Selon un article de La Presse, paru en juillet 2011, l’arrondissement Sud-Ouest aurait dégagé un surplus de 1,3 millions de dollars en 2010, surplus représentant près de 2,5 % de leur budget de 54,1 millions de dollars.

Rendons-nous à l’évidence : nous sommes loin du désastre financier qui pourrait être à l’origine d’une fermeture de bibliothèque (même partielle). D’autant plus que ces surplus ont été engrangés alors même que la bibliothèque Georges-Vanier fonctionnait à plein régime avec sa section adulte!

Donc, l’arrondissement du Sud-Ouest n’est pas en faillite…

Tant qu’à y être, demandons-nous si la Ville est en faillite.

Parmi les innombrables exemples que l’on pourrait donner pour prouver que la Ville est loin d’être en faillite, je n’en prendrai qu’un… incontestable puisqu’il provient de M. Louis Roquet, le directeur général de la Ville de Montréal lui-même : « À titre d’exemple, il (M. Roquet) a expliqué qu’une entreprise de la taille de la Ville, avec ses 29 000 employés, devrait normalement compter 300 employés en ressources humaines, mais que Montréal en comptait 500 disséminés dans les services centraux et dans les 19 arrondissements. » Dois-je vraiment commenter?

On comprend que ce n’est pas la perspective d’un désastre financier qui motive la décision de fermer la section adulte de la bibliothèque Georges-Vanier.

Quant au service (la deuxième question), qu’en est-il?

En 2005 paraissait un document municipal intitulé « Diagnostic des bibliothèques municipales de l’île de Montréal ». En plus de faire l’analyse de chacune des bibliothèques et des arrondissements, ce diagnostic comparait le tout avec les réseaux de bibliothèques des sept (7) villes canadiennes desservant 500 000 habitants et plus, afin de dégager des normes. Comparant les bibliothèques de l’arrondissement du Sud-Ouest avec celles de ces sept villes (les normes), on y découvre…

Inventaire des livres per capita

Alors que la norme canadienne est de 2,9 livres par personnes desservies, l’arrondissement du Sud-Ouest n’en a que 2,4. Sud-Ouest était donc à 81,4 % de l’atteinte de l’objectif de la Ville de Montréal : 3,0 livres par habitants (comparativement, par exemple, à Westmount qui dépasse allègrement l’objectif avec son 258,6 % ou encore Ville Mont-Royal avec 255,5 %…).

Espace en mètres carrés

L’arrondissement du Sud-Ouest, avec ses quatre bibliothèques, se situe sous la norme canadienne de 57 mètres carrés par 1 000 habitants avec ses 46,6 mètres carrés. Donc, Sud-Ouest atteint 81,7 % % de l’objectif de 57 m² par 1 000 habitants (Outremont et Westmount atteignent 168,6 % de l’objectif…).

Ressources humaines

Même en imputant une partie du personnel de l’ancienne Bibliothèque centrale, l’arrondissement du Sud-Ouest est pauvre en ressources humaines au vu de la norme canadienne. En effet, l’arrondissement n’a que 33,4 travailleuses et travailleurs (autres que bibliothécaires) alors que la norme canadienne, pour une population équivalente à celle du Sud-Ouest en demanderait 41,5. Sud-Ouest était donc à 80,5 % de l’objectif de 41,5 (Westmount ne lésine pas avec 245,4% de l’objectif suivi de Côte-Saint-Luc – Hampstead – Montréal-Ouest avec 223,0 % …).

Or, depuis la parution du « Diagnostic » (2005), certains événements ont grevé les résultats statistiques des bibliothèques de la Ville de Montréal, par exemple :

• la fermeture de la Bibliothèque centrale. Par conséquent, l’imputation du personnel de la « Centrale » ne s’applique plus.
• la baisse presqu’invisible mais pourtant réelle et méthodique du nombre d’heures de travail des auxiliaires;
• la presque disparition des bibliothécaires « permanents »;
• etc.

Ce n’est donc pas, non plus, une offre de service dépassant les normes qui motivent la fermeture de la section adulte de la bibliothèque Georges-Vanier.

Avant de discuter de moyens d’« adoucir » une fermeture (autant pour les usagers que pour les travailleuses et travailleurs), il faut, me semble-t-il, demander des comptes aux décideurs afin de comprendre leurs réelles motivations. En effet, on parle ici d’une société montréalaise qui a de l’argent et qui, quoique ne répondant pas aux normes, diminuent quand même les services.

À mon avis, il est impératif de poser ces questions parce que un des motifs fondamentaux de l’attribution des bibliothèques aux arrondissements dans le partage de pouvoir entre la Ville centrale et les arrondissements était que les arrondissements sont en mesure d’assurer un réel service DE PROXIMITÉ. Est-ce réellement le cas?

De surcroît, à chaque élection, tout un chacun des candidats se targue d’investir dans la culture. Il semblerait que ce serait de la poudre aux yeux! D’autant plus que de diminuer des services culturels risque de diminuer la demande qui risque d’entraîner une autre diminution des services qui risque…

Revenir à la case de départ… Ils ont de l’argent et ils continuent à sabrer dans la culture. C’est de ces choix que et la population et les syndiqués devraient, à mon avis, parler et remettre en question!

Nous ne sommes pas obligés de croire les décideurs simplement parce qu’ils disent quelque chose. Nous ne sommes surtout pas obliger de négocier des miettes à partir de déclarations péremptoires et, jusqu’à preuve du contraire, non – prouvées. Ni nous, ni la population! Cependant, il en va pour cela comme pour le reste : il faut s’impliquer!

Pierre Gélinas